Par le Dr Edoardo Coiante
Le visage est la partie de notre corps la plus exposée et celle avec laquelle nous interagissons quotidiennement dans nos relations interpersonnelles.
Dans la dysphorie de genre, les anomalies perçues entre le genre attribué à la naissance et l’apparence du visage peut être très pénible pour les patients qui expriment un fort désir d’atténuer cette dysphorie. Chez les transgenres MTF, être identifié comme une femme est de la plus haute importance et malgré des années d’hormonothérapie, d’application de maquillage, de coiffure ou de perruques, les patients sont souvent encore identifiés à tort comme des hommes.
La chirurgie de féminisation faciale
L’utilisation d’hormones féminines réduit l’épaisseur du derme et hypertrophie la glande mammaire, mais n’a pas effet ni sur la taille ni sur les proportions du visage, qui ont un fort impact sur l’identité de genre. La chirurgie de féminisation faciale (FFS) est un ensemble de procédures chirurgicales du visage, des os et des tissus mous qui modifient les traits du visage typiquement masculins pour donner une apparence plus féminine chez les patients transgenres MtF. La FFS peut être plus important que la chirurgie de réassignation génitale pour soulager les symptômes de la dysphorie de genre. Il est particulièrement important de traiter les caractéristiques masculines des sourcils, du nez, de la mandibule et du menton car ces zones sont déterminantes quant à la perception du genre.
Le lifting des sourcils, la rhinoplastie, le volume des joues, l’augmentation des lèvres, l’avancement du cuir chevelu, la cranioplastie frontale, la mandibuloplastie de réduction, font parties des procédures le plus pratiquées.
Une courte histoire de la FFS
Les techniques chirurgicales de féminisation faciale ont été introduites par le pionnier Douglas Ousterhout à la fin des années 1980 après une étude spécifique sur les différences anatomiques entre un crâne masculin et féminin et com-ment elles pouvaient être reproduites chirurgicalement. Au cours des années suivantes, les progrès technologiques ont permis d’améliorer considérablement les résultats chirurgicaux. Aujourd’hui, une chirurgie de planification 3D utilisant les mesures du scanner céphalométrique est obligatoire pour envisager une chirurgie de féminisation faciale. L’analyse du squelette facial et des tissus mous sus-jacents nous permet de recréer les traits d’un visage féminin. En fait, celui-ci a souvent des traits doux et arrondis, avec une forme ovale. Au contraire, les visages masculins sont plus carrés et inclinés. Une mâchoire avec un menton plus marqué est souvent associée à un front plus haut et à une racine de che-veux en forme de M typique. Le menton et la mâchoire sont généralement plus volumineux (+20%) chez les hommes que chez les femmes, leur donnant souvent un profi l plus proéminent. Les pommettes représentent également une caractéristique du visage qui, plus que d’autres, diffère entre les deux sexes.
Chez les femmes, les pommettes sont plus courbées, rendant le visage plus plein, tandis que les pommettes masculines sont plus basses, plus plates et plus rectangulaires.
Les procédures chirurgicales incluent une chirurgie de contour du front qui va de l’ablation de la table antérieure du sinus frontal suivie d’ostéotomies de contour et de remplacement par des microplaques, au rasage supra-orbitaire avec excision de l’excès de peau après le décollement du cuir chevelu permettant le lifting des sourcils et l’abaissement de la racine des cheveux. La génioplastie est utilisée pour rétrécir le menton masculin plus anguleux dans la dimension transversale et raccourcir la hauteur. Une génioplastie glissante consiste en une série d’ostéomies de l’os mandibulaire dans le but de réduire la taille et de modifier la forme du menton en supprimant une boîte osseuse centrale. La réduction des angles mandibulaires par un simple rasage ou une ostéotomie bicorticale du bord mandibulaire permet d’affiner et d’ovaliser le visage du patient. La rhinoplastie féminisante implique toujours une intervention chirurgicale pour réduire l’ensemble de la pyramide nasale mais surtout pour définir et projeter la pointe nasale.
La transfert de graisse est à envisager
D’autres procédures concernent les tissus mous qui peuvent féminiser un visage. Le transfert de graisse (technique du lipofiling) pour augmenter le volume zygomatique ou labial fait partie des procédures les plus demandées. Une can-thopexie est parfois nécessaire pour remonter le canthus externe et féminiser le regard ainsi qu’un lifting des lèvres, qui permet de réduire la hauteur excessive et inesthétique de la lèvre supérieure blanche inversant par la même occasion la lèvre rouge. Enfin, la chondrolaryngoplastie est souvent nécessaire pour réduire la pomme d’Adam ou le cartilage larigial qui est de plus en plus proéminent chez l’homme. La perception erronée faite par certain du transgenre comme un être indésirable peut non seulement exacerber les séquelles de santé mentale de la dysphorie de genre faciale, mais peut également aggraver la discrimination externe découlant de la transphobie.
Par conséquent, peut-être plus qu’avec d’autres types de chirurgie d’affirmation de genre, la FFS peut protéger les femmes transgenres contre les lésions corporelles réelles. La FFS seule est insuffisante pour obtenir une affirmation complète du genre pour de nombreux patients. Même les changements objectifs et mesurés par céphalométrie, peuvent ne pas être suffisants pour caractériser un visage, car les différences dans l’attribution de genre de visages identiques sont également fortement influencées par d’autres caractéristiques. De plus, la féminité faciale n’est qu’un des nombreux indices que les femmes transgenres peuvent utiliser pour affirmer leur genre en combinaison avec des caractéristiques physiques telles que l’habitus corporel, la taille des seins, les vêtements et la coiffure, et des caractéristiques non physiques telles que la qualité de la voix et la communication, éléments sur lesquels la chirurgie n’a aucun pouvoir.
Dr Edoardo Coiante Chirurgien spécialiste en Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Henri Mondor, Paris. Formateur au Diplôme universitaire en «Techniques de microchirurgie» et au Diplôme Universitaire en «Techniques d’injection et comblements en chirurgie plastique et maxillo-faciale» Université Paris Est, Créteil.
Plus d’informations : aphp.fr/offre-de-soin/medecin/4052583/026/10