Par Jean-Yves Goar
Le 13 juin prochain, le Dôme de Paris au Palais des Sports verra Cyril Benzaquen, 3 fois champion du monde de kick-boxing, remettre une nouvelle fois son titre en jeu. Rencontre avec un agneau qui règne sur un pays de gestes, certes très puissants mais très codifiés.
JEAN-YES GOAR : Cyril Benzaquen, nous déjeunons aujourd’hui ensemble et si je constate que j’ai le même coup de fourchette que vous, j‘ai le sentiment que nous n’allons pas métaboliser les graisses et le sucre de la même manière…
CYRIL BENZAQUEN : Vous savez, jusqu’à l’âge de 12 ans, j’étais un petit garçon un peu rond car j’aimais bien manger.
Moi aussi j’aimais bien manger, mais pour vous, 18 ans plus tard, on s’en douterait difficilement alors que pour moi… Que s’est-il passé ?
CB : Je n’étais pas sportif de nature, mais mes parents m’ont intéressé au judo très tôt. La boxe, le kick-boxing, est venue vers 14 ans et cela a été le coup de foudre. Je m’y suis totalement consacré, pour atteindre un haut niveau à l’âge de 18 ans et passer en professionnel à 22.
Et à bientôt 30 ans vous êtes déjà détenteur de 3 titres de champion du monde. Je vous connais suffisamment pour savoir que vous êtes trop modeste pour parler de talent, alors parlez-moi au moins des efforts consentis pour y parvenir.
CB : Je m’entraine 25 heures par semaine, dont je consacre les . à la boxe et le reste à des activités physiques comme la cardio, la musculation etc., 6 jours sur 7.
Le kick-boxing ne serait donc pas une activité physique… (rires). Plus sérieusement, vous êtes déjà au sommet à 30 ans, comment voyez-vous votre évolution ?
CB : Les athlètes qui disputent les matches en professionnels sont soumis à l’obligation juridique de cesser les combats à 45 ans mais pense que j’arrêterai avant, autour de 40 ans. Probablement plus car que je n’en aurai plus envie que parce que j’y serai contraint. Aujourd’hui, je me produis sur le ring pour 5 à 8 combats par an.
Vous pratiquez une discipline difficile. Comment prenez-vous soin de votre capital physique ?
CB : Le premier soin et le premier médicament sont l’alimentation et le sommeil. Ensuite viennent les réparations physiques. Aujourd’hui nous sommes attablés au restaurant, mais il est rare que je mange à l’extérieur et je ne prends qu’un repas par jour. Je ne consomme pas de produits transformés ni de sucres rapides et mes aliments sont pauvres en glucides. On retrouve souvent les pâtes et le riz complets dans mes menus, ainsi que des crudités et bien évidemment tout ce qui est riche en protéines. Et puis énormément de matière grasse végétale comme l’huile d’olive et cela tombe bien car j’en suis grand amateur.
Sans plagier une célèbre marque, ça, c’est pour la beauté (et la force) qui vient de l’intérieur. Quid des soins de surface ?
CB : Ils contribuent à entretenir la force qui vient de l’intérieur. Ils sont prodigués par les kinésithérapeutes, qui réparent et renforcent le corps, par la cryothérapie qui contribue à la régénération des tissus, par un arsenal de soins dédiés à a récupération.
Vous avez donc de bonnes chances d’être le même quand vous cesserez de boxer ?
CB : Physiquement je ne peux le prédire, mais je resterai le même homme.
Un homme qui depuis quelques semaines est ambassadeur pour l’Europe de la marque Everlast. J’imagine que vous êtes fier de rejoindre l’équipe Everlast aux côtés des légendes de la boxe telles que Mohamed Ali, Frazier ou encore Tyson ?
CB : Oui c’est une magnifique aventure où tout est question de passion, d’authenticité et de qualité. C’est tout naturellement que je me suis reconnu au travers des valeurs véhiculées par Everlast.
Ce n’est pas la première fois que vous prêtez votre image. Jean-Philippe Raibaud a réalisé de très belles images de vous.
CB : Jean-Philippe a de multiples facettes et talents. Pour un boxeur ou tout autre athlète, poser et rester statique est loin de nos disciplines du mouvement. C’est notre maîtrise du corps qui nous permet de figer une attitude telle que le photographe la souhaite. La suite, c’est le talent du photographe. Cette collaboration artistique est une véritable expérience humaine de laquelle découle une expérience professionnelle dont je vous parlerai une autre fois.
Les athlètes sont de plus en plus en plus sollicité(es) par les photographes. Vous vous sentez héros moderne ou icône du désir ?
CB : Rien de cela. Quand on se consacre au sport, vient bien évidemment un âge où l’on comprend que la séduction du corps existe et s’exprime au-delà des mots, mais la recherche de l’excellence préempte tout. Nous avons nos héros mais ne nous considérons pas comme tels. Quant au corps, c’est l’outil, avec notre réflexion, pour atteindre cette excellence, pas un appât.
En tant qu’athlète je me suis longtemps considéré comme un « produit ». Il a fallu les premières séries de photos avec Jean-Philippe pour que je comprenne qu’il allait falloir travailler sur autre chose que la performance physique.
Cet homme sur les photos, c’est celui que nous ne connaissons pas ?
CB : Peut-être pas à ce point, mais très peu de gens autour de moi comprennent ce que je fais, au sens « qui est l’homme sur le ring ? ».
Même dans le métier ?
CB : Ce n’est pas nécessairement là que je retrouve la plus grande empathie, on m’y regarde parfois comme un ovni. Je viens d’un milieu aisé, j’ai rapidement intéressé les médias, je pose dénudé, autant de paramètres que l’on retrouve peu chez un boxeur, le dernier surtout. Celui-là peut choquer, bien que ce ne soit pas mon propos, mais il contribue aussi à attirer sur la boxe le regard de gens qui, a priori, ne s’y seraient pas intéressés.
Quel est le regard que vous portez sur vous ?
CB : J’espère ne pas me tromper, ni me vanter en le disant, mais j’essaie d’être généreux avec tout le monde.
Tolérance serait votre mot ?
CB : Il n’est pas qu’à moi, il devrait être celui de tous.
L’homophobie dans le sport, cela vous parle ?
CB : Bien malheureusement oui. Aimer n’a aucune raison d’être fustigé, tout comme la misogynie ne doit pas avoir de place, ni dans le sport ni ailleurs. Aucun être humain ne vaut plus qu’un autre en raison de sa sensibilité amoureuse Et à bon entendeurs, j’ai trouvé chez des homosexuels d’un certain âge une force et une vraie ardeur au combat qui manquent à beaucoup d’hommes hétérosexuels sur le ring de la vie.
Vous ne craignez pas que vos prises de positions vous créent un quelconque tort ?
CB : Je prête mon image et ma voix à toutes les causes qui me sont chères et à toutes mes envies.
Et demain ?
CB : J’ai le projet d’ouvrir une salle de boxe à Paris car je viens du ring et je ne compte pas m’en détourner le jour où je ne combattrai plus. Mais j’ai également un côté artistique à développer, que je compte explorer à fond, avec la même discipline que celle à laquelle je me soumets dans le sport.
Vous prendrez bien un second dessert ?
CB : Sans façon, mais je vous en prie, je crois que vous aussi avez mangé le mien…